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<title>Essai ou principes élémentaires de l'art de la danse, utiles aux personnes destinées
à l'éducation de la jeunesse</title>
<author key="Martinet, J.-J.">J.J. Martinet</author>
<editor key="Kiss, Dóra">Dora Kiss</editor>
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<edition>OBVIL</edition>
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<name>Delphine Vernozy</name>
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<name>Anne-Laure Huet</name>
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<publisher>Sorbonne Université, LABEX OBVIL</publisher>
<date when="2015"/>
<idno>http://obvil.sorbonne-universite.fr/corpus/danse/martinet_essai-art-danse</idno>
<availability status="restricted">
<licence target="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/">
<p>Copyright © 2015 Université Paris-Sorbonne, agissant pour le Laboratoire d’Excellence
« Observatoire de la vie littéraire » (ci-après dénommé OBVIL).</p>
<p>Cette ressource électronique protégée par le code de la propriété intellectuelle sur
les bases de données (L341-1) est mise à disposition de la communauté scientifique
internationale par l’OBVIL, selon les termes de la licence Creative Commons : «
Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 France (CC
BY-NC-ND 3.0 FR) ».</p>
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de cette ressource électroniques comportera le nom de l’OBVIL et surtout l’adresse
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<p>Pas de Modification : l’OBVIL s’engage à améliorer et à corriger cette ressource
électronique, notamment en intégrant toutes les contributions extérieures, la
diffusion de versions modifiées de cette ressource n’est pas souhaitable.</p>
</licence>
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<sourceDesc>
<bibl>J.J. Martinet, <hi rend="i">Essai ou principes élémentaires de l'art de la danse, utiles aux personnes
destinées à l'éducation de la jeunesse, par J.J. Martinet,
maître à danser à Lausanne</hi>, <pubPlace>Lausanne</pubPlace> : chez <publisher>Monnier et
Jaquerod</publisher>, <date>1797</date>, 72 p. PDF : <ref
target="https://books.google.fr/books?id=9YVGz9Ing8UC">Google</ref>.</bibl>
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<text>
<front>
<div type="preface">
<head>Choix généraux pour l’établissement du texte</head>
<p>L’orthographe a été modernisée.</p>
<p>La ponctuation originale a été en partie revue. Des virgules ont été supprimées ou
ajoutées, soit pour conférer plus de fluidité au texte, soit pour assurer la bonne
compréhension de son contenu. En raison de l<anchor xml:id="_GoBack"/>eur portée
signifiante, les virgules qui semblent marquer la succession des actions ont
systématiquement été maintenues (ou rétablies si elles manquaient), en dépit du rythme
haché qu’elles imposent parfois à la phrase.</p>
<p>Dans le texte original, la hiérarchie des titres et sous-titres n’étant pas très
consistante, des titres considérés comme manquants ont été ajoutés entre crochets — une
même logique de hiérarchisation a été appliquée à l’ensemble du texte.</p>
</div>
</front>
<body>
<div type="epigraph">
<head>Épître dédicatoire à Madame ****</head>
<salute>Madame,</salute>
<p>Si l’art dont j’entreprends de tracer ici les règles n’eût été que frivole, je n’aurais
point pris la liberté de vous faire l’hommage de cette faible production : mais en
l’écrivant, j’ai entrevu l’espoir d’être utile, et j’ai pensé qu’à ce titre seul elle
pouvait mériter de vous être présentée. [Je suis] trop heureux si le public la trouve
digne de la protectrice éclairée qui, au défaut du talent, a bien voulu par son suffrage
encourager les efforts de l’auteur.</p>
<p>Si je voulais donner à mon sujet une importance trop étrangère au but infiniment plus
restreint que je me suis prescrit, il me serait aisé, Madame, de vous retracer le point
étonnant de perfection où la danse a rapidement été portée de nos jours. Je vous ferais
voir Terpsichore elle-même dictant à l’un de ses plus chers favoris (à Gardel) ces ballets
si justement vantés, où les fictions les plus brillantes de la mythologie ont reçu plus
d’éclat encore de cet art enchanteur, qu’elles ne lui en ont prêté. <hi rend="i">Psyché,
le jugement de Pâris, Télémaque</hi> ; c’est dans ces productions que j’oserais nommer
sublimes, que la danse, rivale audacieuse de la poésie et de la musique, s’affranchissant
enfin de ses gothiques entraves prend un nouvel essor, et ce n’est plus que l’expression
fidèle de la nature embellie. Nouveau Protée, elle revêt, avec un succès égal, les formes
les plus disparates ; tour à tour sévère, séducteur de cette pantomime à la fois
pittoresque et dramatique qui fait asservir à ses lois les nuances les plus fugitives du
sentiment, ainsi que les mouvements de l’âme les plus rebelles et les plus impétueux.</p>
<p>Je le sens, Madame, en me laissant aller au plaisir de vous peindre ces prodiges nouveaux
dont s’enorgueillit encore la scène française, je m’écarte sans doute de la route que vous
n’aviez pas dédaigné de m’indiquer. Mais quoi ! il fallait bien une fois répondre aux
détracteurs d’un art que vous aimez, et que j’ai le faible mérite d’avoir cultivé toute ma
vie avec enthousiasme. Je n’ai point eu la présomption de vouloir initier les jeunes
élèves dans les mystères qui ne s’apprennent que dans le sanctuaire de la divinité. Cette
ambition était trop au-dessus de mes forces, et d’ailleurs, le but que j’ai dû me proposer
n’aurait point été rempli. J’ai voulu simplement exposer avec clarté et précision les
premiers principes, et si je puis m’exprimer ainsi, le mécanisme élémentaire de la danse.
J’ai cherché surtout à me rendre utile aux mères de famille qui pourront facilement, à
l’aide de cet ouvrage, se passer d’un maître, ou du moins présider aux leçons de leurs
enfants, et en diriger elles-mêmes les progrès.</p>
<p>En parlant des mères de famille, était-il possible que je n’eusse pas devant les yeux
celle qui devait leur servir à toutes de modèle ? Cet éloge, Madame, est le seul dont vous
soyez jalouse, et c’est le seul aussi que je me permettrai. Que d’autres relèvent avec
empressement ces dons aimables que la nature, en souriant, a versé sur votre personne, moi
je ne parlerai que des vertus respectables dont vous vous êtes plu à les embellir, et qui
n’admirerait pas cette surveillance attentive, cette sollicitude si tendre, et ces soins
continuels que vous ne cessez de prêter à l’éducation des enfants que le ciel vous a
donnés. J’ai été assez heureux pour en être quelquefois le témoin, et c’est surtout après
avoir joui de ce touchant spectacle que j’ai pu m’écrier, avec toutes les personnes qui
ont le bonheur de vous approcher : <hi rend="i">Le cœur d’une bonne mère est le
chef-d’œuvre de la Divinité</hi>.</p>
<salute>Je suis avec le plus profond respect,</salute>
<salute>Madame,</salute>
<salute><hi rend="i">Votre très humble et très obéissant serviteur</hi>,</salute>
<signed><hi rend="i">Martinet</hi></signed>
</div>
<div type="introduction">
<head>Introduction</head>
<p>L’art de la danse attira, dans les siècles les plus reculés, l’attention des
législateurs ; les Grecs et les Romains, en l’introduisant dans le culte qu’ils rendaient
à leurs divinités et, dans les cérémonies publiques, le pratiquèrent avec tant de succès
qu’on a de la peine à se persuader aujourd’hui les merveilles que nous en trace
l’histoire.</p>
<p>Cet art, considéré comme faisant partie de l’éducation, acquiert une importance qu’il ne
semble pas d’abord mériter : mais si l’on réfléchit sur la forme que la nature nous a
donnée, sur les fonctions qu’elle a attribuées à chacun de nos membres, on sera porté à
conclure que, si l’homme n’était pas sans cesse mû par l’imitation, peut-être resterait-il
accroupi, ou ne marcherait-il que comme les quadrupèdes ; ce n’est que l’exemple et
l’impression que font sur lui les images extérieures, qui le portent à un maintien tout
autre que celui que lui donnerait sa structure : or les vrais principes de la danse
n’étant autre chose que la belle manière d’exécuter les différents mouvements du corps, de
composer son maintien et de se présenter avec grâce, il est indubitable que la danse
corrige les vices et les erreurs de la nature.</p>
<p>Si l’on considère ses effets, tant sur le moral que sur le physique, on sera forcé de
convenir que, par ses différents caractères, elle exprime les passions avec énergie ;
qu’il n’est pas de situation de l’âme qu’elle ne puisse peindre avec vérité, et que
l’homme en tire des secours innombrables, dont l’importance n’est bien appréciée que par
l’œil observateur du philosophe ; peut-être ne serait-il pas indigne de son attention
d’examiner si elle ne pourrait pas devenir un moyen de guérison pour ces maladies de
l’âme, à la cure desquelles sont impuissants tous les secours de l’art d’Hippocrate.</p>
<p>On voit rarement des atrabilaires et des hypocondriaques dans la classe des amateurs de
la danse ; elle influe donc sur le caractère, en portant à la gaîté celui qui a du
penchant à la tristesse et à la mélancolie : et en la considérant par l’utilité que peut
en tirer la médecine dans les maladies où il importe de rendre la circulation aux fluides
et de donner du ton aux solides, on conviendra que cet exercice devient très
recommandable. On ne peut nier, qu’en nous enseignant la manière de composer notre
maintien suivant les usages reçus, cet art n’influe beaucoup sur les opérations de
l’esprit. Voyez se présenter dans un cercle une jeune personne embarrassée dans sa marche
et dans ses gestes, elle devient préoccupée et par conséquent timide ; se présente-t-elle
au contraire avec une contenance sûre et aisée, elle apporte dans ses réparties et dans
ses discours plus de présence d’esprit et de jugement. Quand bien même cet exercice ne
nous procurerait d’autre avantage que celui de nous donner de l’agilité, de la vivacité et
d’entretenir la souplesse et la force dans nos membres, ce serait certainement assez pour
le faire préférer à tout autre. Et qu’on ne pense pas que l’équitation, l’escrime, la
course, la lutte, et tous les exercices violents de la gymnastique puissent remplir le
même objet et rivaliser avec la danse ; outre qu’ils ne peuvent convenir généralement au
sexe, à tous les âges et à tous les tempéraments ; c’est qu’encore quelques-uns d’entre
eux, en assujettissant à des efforts pénibles, émoussent, ôtent la finesse du tact, et au
lieu de cet air gracieux, de cette délicatesse dans les traits, de ces belles proportions
dans les membres, de ces mouvements prestes et souples du corps, on ne voit trop souvent
se développer que des traits durs, une habitude du corps lourde et matérielle, effet
nécessaire de la violente contraction des muscles.</p>
<p>C’est avec raison que les mythologistes font les arts enfants du même père. Euterpe est
tellement liée avec Terpsichore, qu’il est bien rare de voir la musique sans la danse, et
plus rare encore de voir des sujets sensibles à l’harmonie qui ne soient aussi amateurs de
la danse. Je pourrais apporter en preuve de l’intimité de ces deux arts quelques exemples
de jeunes gens qui, par un défaut d’organe, étaient sans dispositions pour la musique, et
qui, par la pratique de la danse, ont acquis une justesse dans l’oreille dont ils ne
paraissaient pas susceptibles, et qu’ils n’auraient jamais eu par aucun autre moyen. En
effet, si l’on observe que les airs de danse sont composés de phrases musicales courtes,
d’un chant agréable et parfaitement cadencé ; que les repos se trouvent une très petite
distance, que l’écolier est en quelque sorte forcé de compter ses pas, et de n’en exécuter
qu’un nombre fixe dans un temps donné ; on concevra qu’elle fournit un moyen mécanique
pour former l’oreille la moins exercée et la plus paresseuse.</p>
<p>Mais autant la danse est essentielle à l’éducation de la jeunesse, autant il est
important qu’elle soit enseignée par des maîtres qui en connaissent les vrais principes,
et qui aient un jugement sain ; car il est bon de savoir que cet art a ses charlatans
comme tant d’autres, et qu’il n’y a rien de si commun que de voir faire des méprises
intolérables. On copie, on se modèle souvent sur les danseurs de théâtre ; cependant il
n’est pas plus du bon ton d’imiter, dans les danses de société, les danseurs de l’opéra
que les grotesques d’Italie, ou les baladières de l’Hindoustan ; l’attitude, les gestes ne
sont plus les mêmes, et c’est en partie faute de discernement et pour ne pas savoir juger
des convenances que tant de maîtres ineptes font de si mauvais écoliers.</p>
<p>Combien de jeunes personnes se rendent singulièrement ridicules par des minauderies, des
manières empruntées, que le bon goût réprouve, et par des gestes trop souvent indécents
qui blessent la bienséance.</p>
<p>Les effets de cet art sur le physique de certains individus sont infiniment
intéressants ; qu’on se peigne une jeune personne d’un tempérament faible, dont
l’éducation aura été négligée ; elle aura naturellement la tête en avant, enfoncée dans
les épaules, la poitrine retirée, les genoux crochus et butants, les pieds en dedans,
l’habitude du corps chancelante, conservant à peine le centre de gravité : voyez-la sortir
après six mois de leçon, d’entre les mains d’un bon maître, les pieds en dehors, le jarret
tendu, la hanche bien placée, la poitrine en avant, l’air de tête fier et gracieux, les
membres déliés et les mouvements aisés.</p>
<p>En présentant au public ce traité élémentaire, je crois lui fournir des moyens
d’instruction dans un art qui, sous tous les rapports et à tant d’égards, est devenu
précieux à la société, et tellement essentiel à l’éducation, qu’il est comme impossible de
figurer sur le théâtre du monde sans en avoir au moins quelques légères connaissances ; et
n’eussé-je tracé que les vrais principes, consacrés par l’usage et pratiqués par les
meilleurs artistes, je croirais avoir rendu un service aux parents et aux personnes
destinées à l’éducation de la jeunesse ; elles pourront au moins, en le lisant avec
attention, juger du mérite des maîtres entre les mains desquels ils mettront leurs élèves,
et, je dis plus, même leur enseigner les premiers principes sans leur secours.</p>
</div>
<div type="chapter">
<head>[Des positions]</head>
<p>Toute la théorie de l’art de la danse ayant été établie sur cinq positions naturelles,
dont on ne doit point s’écarter et qu’on doit observer avec la plus grande régularité, je
vais mettre le lecteur à portée de s’en instruire parfaitement.</p>
<div>
<head>Première position</head>
<p>On se placera les deux talons joints l’un contre l’autre, les pieds bien tournés en
dehors, en observant qu’ils le soient bien également, le corps d’aplomb, la tête droite,
le menton en arrière, les épaules effacées, les bras tendus naturellement sur les côtés,
et le tout sans gêne et sans affectation. Voyez la <hi rend="i"><ref target="#pl1"
>planche
première</ref></hi>.</p>
</div>
<div>
<head>Deuxième position</head>
<p>On détachera le pied droit du gauche en le portant en droite ligne sur le côté à la
distance d’un pied, et posant la pointe du pied à terre avant le talon, les jarrets
tendus, observant qu’en détachant le pied, le corps et la tête ne fassent aucun
mouvement. Voyez la <hi rend="i"><ref target="#pl2">planche
seconde</ref></hi>.</p>
</div>
<div>
<head>Troisième position</head>
<p>On portera le talon du pied droit à la boucle ou au milieu du pied gauche, de manière
que les deux pieds se trouvent croisés et également en dehors. Voyez la <hi rend="i"
><ref target="#pl3">planche
troisième</ref></hi>.</p>
</div>
<div>
<head>Quatrième position</head>
<p>On détachera le pied droit du gauche en droite ligne en avant, à la distance d’un pied,
faisant attention que les pieds ne se croisent point, et que les deux talons soient bien
sur la même ligne. Voyez la <hi rend="i"><ref target="#pl4">planche
quatrième</ref></hi>.</p>
</div>
<div>
<head>Cinquième position</head>
<p>On retirera le pied droit en le posant à la pointe du pied gauche sans le dépasser, en
observant les mêmes règles que dans les précédentes. Voyez la <hi rend="i"><ref
target="#pl5">planche
cinquième</ref></hi>.</p>
<p>Voilà donc les cinq positions naturelles de la danse et qui en font la base, qu’on doit
se rendre familières, c’est-à-dire, se les graver dans la mémoire, les répétant souvent,
tantôt du pied droit, tantôt du pied gauche, tous les pas dérivant de ces cinq
positions, qu’il est très important de bien savoir ; on aura l’attention d’observer pour
tous ces mouvements et changements de positions, ce qui a été dit ci-devant.</p>
</div>
</div>
<div type="chapter">
<head>Du plié et du Tendu</head>
<p>Lorsqu’on saura bien les cinq positions, on se placera à la première, on pliera les
genoux le plus bas et le plus lentement possible, sans lever les talons, ayant toujours
les pieds à plate terre, observant qu’en pliant il faut que les genoux tombent en dehors
et dans la direction de la pointe des pieds, avançant la ceinture et faisant bien
attention que le corps et la tête ne fasse aucun faux mouvement, ce qu’on doit répéter de
même, tant du pied droit que du pied gauche. Voyez la <hi rend="i"><ref target="#pl6"
>planche
sixième</ref></hi>.</p>
<p>On ne saurait trop se persuader combien ce petit exercice, qui ne parait rien signifier,
contribue cependant à rendre la flexibilité aux jarrets et procure une démarche aisée et
agréable, corrige les mauvaises habitudes contractées, ou qu’on pourrait contracter par la
suite<note resp="author">[NdA] L’usage d’une boîte d’une invention très simple m’a mis à
même de redresser parfaitement les genoux d’un enfant, âgé de huit à neuf ans, qui était
tellement bancroche qu’étant debout, les deux jarrets bien tendus, ses deux genoux se
touchaient, et il y avait treize pouces de distance d’un pied à l’autre. Après trois
années consécutives d’exercice et de pratique, je suis parvenu à le redresser
parfaitement. Ce jeune homme, aujourd’hui âgé de dix-huit ans, est aussi droit qu’il est
possible de l’être, et a la démarche parfaitement aisée.</note> : il n’y a donc pas de
doute que cet exercice ne soit un point essentiel, et qu’il ne doive être répété tous les
jours pendant longtemps pour faciliter les progrès dans cet art.</p>
</div>
<div type="chapter">
<head>Différentes manières de saluer</head>
<div>
<head>Révérence ordinaire d’une demoiselle</head>
<p>Elle se placera à la première position, les deux bras croisés à la hauteur des coudes,
les coudes serrés au corps, sans avoir l’air gêné (voyez <hi rend="i"><ref target="#pl7"
>planche
septième</ref></hi>)
les épaules effacées, le menton en arrière, pliant les genoux dans cette position, tel
que le démontre la <hi rend="i">planche sixième</hi>, ni trop vite ni trop lentement, et
se relevant de même ; elle aura soin de ne point lever les talons, et de ne faire aucun
faux mouvement du corps, des bras et de la tête.</p>
</div>
<div>
<head>Révérence ordinaire d’un jeune homme</head>
<p>Il se placera à la première position, le corps droit, les bras tendus naturellement sur
les côtés, sans les raidir ni les abandonner avec nonchalance : s’il a un chapeau il
lèvera le bras droit, et prenant son chapeau de la main droite, il le laissera aller
tendu de côté, inclinant la tête, le menton touchant la poitrine et pliant du milieu du
corps et non de la ceinture, les jarrets tendus ; il laissera tomber naturellement ses
bras en avant, sans également les raidir, (voyez <hi rend="i"><ref target="#pl8">planche
huitième</ref></hi>) et, en se relevant, son corps, sa tête et ses bras se
replaceront dans la même position qu’ils étaient avant la révérence, laissant aller le
pied gauche à la quatrième position en arrière. Voyez la <hi rend="i"><ref target="#pl4"
>planche quatrième</ref></hi>.</p>
</div>
<div>
<head>Révérence de deux personnes se rencontrant dans la rue ou sur un chemin</head>
<p>Lorsqu’une demoiselle rencontrera dans la rue quelqu’un qu’elle voudra saluer, si c’est
une personne dont on ne diffère aucunement, soit par l’âge soit par la condition, et que
l’on ne veuille pas s’arrêter, étant près de la personne qu’elle veut saluer, elle
portera le pied droit à la deuxième position, et rapprochant de suite le pied gauche à
la première position, elle fera la révérence, et si c’est un jeune homme, il fera sa
révérence de même, ôtant son chapeau de la main droite, et laissant tomber son bras
tendu sur le côté ; il aura l’attention de céder le haut du pavé à la personne qu’il
voudra saluer, supposé que ce soit une dame ou une demoiselle : s’il veut s’arrêter, il
ira droit à elle, en la saluant de manière ordinaire ; et, ayant fini la conversation,
il portera son pied droit à la deuxième position, [puis] rapprochant son pied gauche à
la première position, il fera la révérence : si la personne diffère soit par l’âge, soit
par la condition, soit par le sexe, il aura soin de donner le haut de la rue, et de
prévenir par sa révérence la personne qu’il voudra saluer.</p>
</div>
<div>
<head>Manière de saluer en entrant dans une chambre ou salon où se tient la société</head>
<p>Étant annoncé et entrant dans un salon de compagnie, l’on parcourra des yeux
l’assemblée, tâchant de découvrir celui ou ceux qui en sont les honneurs, on fera sa
révérence ordinaire, et on ira droit à eux faire une autre révérence d’honnêteté de la
même manière. Après les civilités ordinaires de part et d’autre, l’on prendra sa place,
et lorsqu’il sera question de se retirer, on ira saluer premièrement les personnes de
qui l’on reçoit l’honnêteté, et du pas de la porte, on saluera en général la société ;
il en sera de même d’une demoiselle comme d’un jeune homme.</p>
<p>Toutes ces différentes manières de saluer doivent s’exécuter sans aucune affectation,
mais ce n’est que par une grande pratique qu’on en acquiert l’aisance et la facilité.
Les personnes chargées de cette partie de l’éducation auront soin de faire répéter tous
les jours à leurs élèves ces différentes révérences, pour les leur rendre familières ;
car rien ne se fait avec régularité que par la grande habitude.</p>
</div>
</div>
<div type="chapter">
<head>De la manière de marcher</head>
<p>On marchera de la manière la plus naturelle et sans affectation, levant le pied droit en
avant, le jarret et le cou-de-pied tendus, la pointe basse, le corps soutenu par la partie
gauche, conservant l’équilibre ; on posera le pied à plate terre à la quatrième position,
portant ensuite le corps sur la partie droite en avant, le pied gauche se portera
également à la quatrième position, ayant soin que les deux talons passent près l’un de
l’autre, sans se toucher ni se croiser, observant de parcourir une ligne droite. Voyez la
<hi rend="i"><ref target="#pl9">planche neuvième</ref></hi>.</p>
</div>
<div type="chapter">
<head>De la danse</head>
<p>Dans la danse en général il y a deux sortes de pas, qui sont le pas complet et le pas
incomplet, plusieurs desquels, plus ou moins précipités, forment le pas complet qui doit
s’exécuter dans l’intervalle de deux mesures entières de la musique. Le pas incomplet est
formé de pliés, de glissés, de marchés, de tendus et de sautés. Le plié, c’est fléchir les
genoux, comme le démontre la <hi rend="i"><ref target="#pl2">planche deuxième</ref></hi> ;
<hi rend="i">le glissé</hi>, soit qu’il s’exécute en avant, en arrière, à droite ou à
gauche, est l’action de changer le pied d’une position à l’autre sans abandonner terre, ce
qui s’exécute ordinairement avec le plié ; <hi rend="i">le marché et le tendu</hi> sont de
porter les pieds dans les différentes positions, la pointe du pied basse, le jarret et le
cou-de-pied tendus ; <hi rend="i">le sauté</hi>, c’est s’élever par un mouvement rapide,
soit sur une jambe, soit sur l’autre ou sur les deux ensemble : on verra, dans la
description suivante, des différents genres de danses, l’application et l’emploi des pas
ci-dessus désignés.</p>
</div>
<div type="chapter">
<head>Du menuet</head>
<p>On a abandonné depuis longtemps le menuet, et il n’est plus d’usage dans les danses de
société, cependant il renferme tous les principes de l’art ; et il est facile de démontrer
qu’on ne peut parvenir à danser, je ne dis pas bien, mais même médiocrement sans s’y être
appliqué : cette danse développe les membres, leur donne des contours gracieux, du
moelleux et de la justesse dans les mouvements, de l’aplomb et du soutien dans l’équilibre
du corps ; et si la plupart des danseurs ont des attitudes forcées, des mouvements durs et
un équilibre mal assuré, c’est qu’ils ignorent ou qu’ils n’ont pas assez pratiqué ces
premiers principes ; aussi voit-on la plupart des danseurs modernes se placer comme des
mannequins et se mouvoir comme des automates ; j’invite donc les amateurs à ne point le
négliger ; il est très-important de s’appliquer à le bien apprendre, d’autant plus qu’il
est à l’art de la danse ce qu’est l’a, b, c, à l’égard des <hi rend="i">mots et des
discours</hi>.</p>
<p>Le Menuet est composé de trois pas complets souvent répétés, qui sont : le pas en avant,
le pas à droite et le pas à gauche ; chaque pas complet est composé de quatre pas
incomplets, dont deux sont pliés, glissés, et deux sont marchés, tendus, qui s’exécutent
dans l’intervalle de deux mesures à trois temps, qui est la mesure de musique du
menuet.</p>
</div>
<div type="chapter">
<head>Leçon raisonnée du menuet</head>
<div>
<head>Pas du menuet en avant</head>
<p>On fera placer l’écolier à la troisième position, le pied droit devant, et lorsqu’il
sera placé, le corps et la tête droite, le menton en arrière, les épaules effacées et
les jarrets tendus, on lui dira : pliez, glissez le pied droit à la quatrième position
en avant ; pliez, glissez le pied gauche à la quatrième position en avant ; marchez deux
pas tendus à la quatrième position en avant. Il faut observer que chaque plié s’achève
les jarrets tendus ; on aura l’attention de corriger les défauts des positions, et de
prévenir les mauvaises habitudes que pourrait contracter l’écolier dans les différents
mouvements qu’on lui fait exécuter.</p>
<p>Les deux pas glissés doivent s’exécuter en pliant les genoux et glissant
alternativement les pieds sur la pointe, le cou-de-pied tendu à la quatrième position en
avant, en observant que la moitié du chemin doit se faire en pliant et l’autre moitié en
tendant les jarrets d’un mouvement lent et égal dans l’intervalle des quatre premiers
temps des deux mesures, c’est-à-dire que chaque glissé emploie deux temps des deux
mesures.</p>
<p>Les deux marchés qui complètent le pas s’exécutent en portant les pieds de même à la
quatrième position, d’un mouvement plus accéléré, avec les jarrets tendus dans
l’intervalle des deux derniers temps des deux mesures, c’est-à-dire que chaque marché
emploie un temps des deux mesures.</p>
</div>
<div>
<head>Pas du menuet à droite</head>
<p>L’écolier étant placé à la troisième position, on lui dira : pliez, glissez le pied
droit à la deuxième position, rapprochez sur la même ligne le pied gauche, le
cou-de-pied tendu, sans quitter terre, jusqu’à la moitié de la deuxième position, où, à
six pouces du pied droit et sans s’arrêter, pliez, passez le pied gauche à la troisième
position derrière le pied droit, et marchez deux pas du côté droit, les jarrets tendus,
dont l’un à la deuxième position et l’autre à la troisième derrière le droit.</p>
</div>
<div>
<head>Pas du menuet à gauche</head>
<p>Les deux pas complets à gauche du menuet ne sont pas égaux, [tout] comme les deux pas
complets à droite ; ils s’exécutent de la manière suivante : pliez, glissez le pied
droit à la quatrième position en avant, et rapprochez vivement le gauche, les jarrets
tendus, à la première position ; pliez, glissez le pied gauche à la deuxième position,
et marchez du côté gauche deux pas tendus ; l’un du pied droit à la troisième position
derrière le pied gauche, et l’autre du pied gauche à la troisième position : voilà le
premier pas complet.</p>
<p>Étant à la deuxième position, pliez, passez le pied droit derrière le gauche à la
troisième position, en le retirant sur la pointe un peu vivement, et se relevant sur les
deux pointes des pieds dans la même position, les jarrets bien tendus, on soutiendra
l’intervalle du temps plié ainsi que la mesure, et pliez, glissez le pied gauche à la
deuxième position, marchez deux pas tendus, dont l’un du pied droit à la troisième
position derrière le gauche, et l’autre du pied gauche à la deuxième position.</p>
</div>
</div>
<div type="chapter">
<head>Pas sautés et usités dans les contredanses françaises, ou pots pourris, et utiles à
d’autres danses</head>
<p>Il y a sept pas complets employés dans cette espèce de danse, qui sont : le contretemps
en avant, le contretemps en arrière, le balancé, le chassé à droite, le chassé à gauche,
le pas de rigaudon du pied droit et le pas de rigaudon du pied gauche. Chaque pas complet
s’exécute par quatre pas incomplets, dans l’intervalle de deux mesures 6/8, qui est la
mesure ordinaire des pots pourris.</p>
<div>
<head>Contretemps en avant</head>
<p>Portez le pied droit à la quatrième position en avant ; pliez, sautez en place sur le
même pied, en levant le pied gauche à la quatrième position en avant, sans le poser ;
marchez deux pas tendus à la quatrième position en avant, dont l’un est déjà formé par
le pied gauche qui n’est pas posé, et l’autre du pied droit ; pliez, assemblez.</p>
</div>
<div>
<head>Ce que c’est que l’assemblé</head>
<p>Un assemblé est un changement de pied, c’est-à-dire que le pied droit se trouvant
devant le pied gauche, ou le pied gauche se trouvant devant le droit, soit à la
quatrième ou à la troisième position l’on devra, en pliant et sautant, retomber à la
troisième position, les deux pieds ensemble, en changeant de pied, c’est-à-dire que si
le pied droit est devant, il passe derrière, ainsi que le gauche étant devant, il va
derrière ; il faudra observer que les deux talons passent près l’un de l’autre sans se
toucher, et que l’on doit retomber légèrement sur les jarrets tendus.</p>
</div>
<div>
<head>Contretemps en arrière</head>
<p>L’exécution du contretemps en arrière est égale à celle du contretemps en avant, elle
ne diffère qu’en ce qu’il faut aller en arrière. Portez le pied droit à la quatrième
position en arrière, pliez, sautez sur le même pied, en levant le pied gauche à la
quatrième position en arrière sans le poser, marchez deux pas tendus à la quatrième
position en arrière ; pliez, assemblez.</p>
</div>
<div>
<head>Du balancé</head>
<p>Pliez, glissez le pied droit à la quatrième position en avant, et rapprochez vivement,
sans toucher terre le pied gauche, les jarrets tendus à la première position ; pliez,
glissez le pied gauche à la quatrième position en arrière, et retirez vivement le pied
droit, les jarrets tendus, à la troisième position devant le pied gauche.</p>
</div>
<div>
<head>Pas de rigaudon qui doivent s’exécuter en place</head>
<div>
<head>Pas de rigaudon du pied droit</head>
<p>Pliez, sautez sur le pied gauche en levant le pied droit de côté à la distance d’un
pied, posez-le vivement à la troisième position devant le pied gauche, détachez
vivement le pied gauche de derrière le droit, les jarrets tendus, en levant également
de côté à la distance d’un pied, posez-le à la troisième position devant le pied droit
en pliant, et assemblez.</p>
</div>
<div>
<head>Pas de Rigaudon rigaudon du pied gauche</head>
<p>Pliez, sautez sur le pied droit en levant le pied gauche de côté à la distance d’un
pied, posez-le vivement à la troisième position devant le pied gauche, détachez
vivement le pied droit de derrière le gauche les jarrets tendus, posez-le à la
troisième position devant le pied gauche en pliant, et assemblez.</p>
</div>
</div>
<div>
<head>[Chassés]</head>
<div>
<head>Le chassé à droite</head>
<p>Portez le pied droit à la deuxième position en pliant, et sautant sur le pied gauche
que vous portez dans le même instant à la troisième position derrière le pied droit,
et reportant vivement le pied droit à la deuxième position portez le pied gauche
devant le droit à la troisième position en pliant, et assemblez.</p>
</div>
<div>
<head>Le chassé à gauche</head>
<p>Portez le pied gauche à la deuxième position, en pliant et sautant sur le pied droit,
que vous portez dans le même instant à la troisième position derrière le pied gauche,
et reportant vivement le pied gauche à la deuxième position, portez le pied droit
devant le gauche à la troisième position en pliant, et assemblez.</p>
</div>
</div>
</div>
<div type="chapter">
<head>Des différents genres de la danse</head>
<p>Les pas que je viens de décrire sont les éléments dont se composent tous ceux qui
s’emploient dans l’exécution des différents genres de danse, tels que les pas de bourrée,
de sissonne simple et double, tricotés, chassées, balancés, pas de rigaudon, pas croisés,
contretemps, mouchetés, écarts, pirouettes, terre-à-terre, jetés battus, ailes de pigeon,
cabrioles, pas de jarret, entrechats, etc. etc.</p>
<p>Je ne parlerai pas non plus des figures de la plupart des contredanses, telles que la
main, les deux mains, le moulinet, le rond, le dos-à-dos, la poussette, le carré de
Mahoni, la chaîne à quatre, la chaîne à huit, etc. et nombre d’autres figures qui se
varient au gré des compositeurs.</p>
<p>La danse a deux principaux genres, le grave et le gai<note resp="editor">[NdE] Dans le
texte original, les noms propres ou communs renvoyant à des danses sont orthographiés
systématiquement sans majuscules. Dans la présente édition, les noms propres, renvoyant
à de brèves pièces chorégraphiques particulières – qui étaient à l’origine insérées dans
un ballet, un bal ou un opéra – sont orthographiés avec majuscule (p. ex. « Tricotées de
Paris »). En revanche, les noms communs qui désignent les types de danse – appelés
« caractères dansés » à l’époque – sont maintenus sans majuscule (p. ex.
« menuet »).</note>.</p>
<p>Dans le genre grave sont compris la pantomime, les menuets simples et figurés, le Menuet
dauphin, le Menuet de la cour, les passepieds simples et figurés, le Passepied princesse,
etc. etc. qui s’exécutent avec les pas graves.</p>
<p>Dans le genre gai sont compris les ballets, les entrées de ballet, la chaconne, les
danses de caractère, tels que la Matelotte anglaise et hollandaise, l’Arlequine, la
Pierrote, la Petite paysanne, le Conquérant, le branle gai, le branle à mener, la bourrée,
la gigue, la gavotte, les Triotées de Paris<note resp="editor">[NdE] Orthographié parfois
« Tricotets de Paris ».</note>, la Périgourdine, le Congo, le rigaudon, la valse,
l’allemande, plusieurs sortes de contredanses, etc.</p>
<p>Je ne parlerai pas des danses étrangères, telles que la Monferine, les courantes, etc.
qui se dansent en Italie ; le fandango, la munira, et autres qui se dansent en Espagne :
la plupart de ces danses sont peu usitées, et ne peuvent être susceptibles de description
dans un ouvrage élémentaire.</p>
</div>
<div type="chapter">
<head>[Conclusion]</head>
<p>Je pense qu’il serait inutile, pour le but que je me suis proposé, que j’entrasse dans
des détails plus circonstanciés sur les éléments de l’art dont j’ai voulu simplement
tracer avec rapidité les principes fondamentaux. Quoique cet ouvrage ne soit pas très
étendu, je me flatte cependant de n’avoir rien omis d’essentiel. Si j’eusse voulu épuiser
mon sujet et en développer les nombreuses ramifications, il m’eut été facile d’entasser
volume sur volume ; mais, et je l’ai déjà dit, je me suis attaché surtout à exposer avec
clarté les premières notions de la danse ; j’avais en vue les mères de famille, et même
les institutrices qui pourront facilement, moyennant une légère application, suppléer à
l’absence d’un maître en consultant ce petit traité. En un mot, j’aurai rempli
parfaitement mon but, si mon ouvrage devenait assez utile pour me rendre inutile.</p>
<p>Si le temps et mes occupations me le permettaient, je succomberais peut-être à la
tentation de donner une suite à ce faible opuscule. Après avoir développé le mécanisme
élémentaire de la danse, je me hasarderais peut-être à en retracer à mes lecteurs la
poétique, si j’ose m’exprimer ainsi, et le tableau des effets étonnants opérés par le
talent combiné de l’artiste qui exécute et du compositeur habile qui asservit à la magie
de son art les difficultés les plus indomptables.</p>
<p>Je le sens, un tel ouvrage serait probablement fort au-dessus de mes forces, mais j’ai du
moins le faible mérite d’avoir entrevu ce que pourrait faire un homme de génie. Me
permettra-t-on, non pas d’analyser la théorie de la danse figurée, mais simplement
d’exposer ici quelques idées qui donneront peut-être lieu à des observations utiles ?</p>
<p>La danse est un amusement qui est peut-être aussi ancien que le monde, et que l’on a
consacré avec autant de soin que s’il entrait dans la classe des besoins essentiels. Si
c’est un délire, il me semble avoir été consacré par la sagesse de Socrate même.
<quote><hi rend="i">Dulce est desipere in loco</hi></quote>. La danse entrait dans le
culte du paganisme ; les Chrétiens même, par une indécence qui ne pouvait qu’avilir la
majesté du christianisme, ont essayé de l’associer aux cérémonies de la religion. On a
dansé en Portugal au sujet de la canonisation de Saint Charles de Borromée, qui avait fait
lui-même un traité de cet amusement.</p>
<p>Par la danse, j’avoue que je n’entends pas simplement cet art mécanique qui consiste à
remuer alternativement les bras et les jambes au son d’un instrument, à se fatiguer en
mesure pour exécuter des pas qui ne signifient rien, à avancer sans dessein, à reculer
uniquement pour changer de place, enfin à faire toutes les évolutions que les danseurs
médiocres regardent comme la perfection de l’art, et qui n’en sont que le commencement. La
danse, comme je la conçois, est toute autre chose ; son but doit être de parler aux yeux
par le geste, de substituer des mouvements aux paroles, de représenter par des personnages
vivants des actions intéressantes, enfin d’introduire sur la scène des comédiens muets,
qui, sans le secours de la déclamation, fassent passer dans l’âme des spectateurs les
impressions agréables qu’ils vont chercher aux théâtres ; je veux parler enfin de cette
pantomime expressive, art connu, si chéri des Romains, et que ce peuple préférerait à tous
les autres amusements. On sait à quelle perfection leurs acteurs l’avaient poussé ; on
sait que par le geste seul, ils rendaient leurs idées avec tant d’intelligence et de
vérité que tout le monde les entendait sans peine. L’histoire nous a transmis les prodiges
des Protées, des Empuses, des Pilades et des Bathiles ; ils ne se bornaient pas à des pas
légèrement exécutés, à des attitudes régulières, si l’on veut, mais sans âme et sans vie :
inspirés par le génie de leur art, ils exécutaient par son secours ce que le poète produit
avec des paroles, le musicien avec des sons, le peintre avec des couleurs, le statuaire
avec du marbre, c’est-à-dire qu’avec des pas et des gestes ils formaient de grands
tableaux et représentaient des fables théâtrales, des véritables drames qui avaient leur
exposition, leur nœud et leur dénouement.</p>
<p>Mais est-il nécessaire d’avoir recours aux peuples de l’Antiquité, tandis que nous
pouvons citer de nos jours une foule de ballets qui ont eu un succès éclatant et mérité ?
Nommer Vestris et Gardel, c’est rappeler l’idée du talent porté à son plus haut degré. Ils
ont créé une danse toute nouvelle, majestueuse, forte et pathétique ; en un mot, les
ballets, sous l’ascendant de leur génie, sont devenus une peinture vivante des passions,
des mœurs, des cérémonies et des costumes de tous les peuples. Voilà pour la partie de la
composition ; quant à l’exécution, il suffit d’avoir vu danser Vestris, et quelques autres
artistes, pour juger que cette exécution est parfaite. Les pas, l’aisance de leur
enchaînement, la fermeté, la vitesse, la précision, les déploiements gracieux, tout cela
s’y trouve réuni ; mais aussi tout cela doit être animé et dirigé par le génie.</p>
<p>N’oublions jamais qu’un ballet est un tableau, et que pour faire un beau ballet, il faut
nécessairement que le compositeur soit un grand peintre : la scène est la toile, les
danseurs sont les personnages, leurs mouvements sont les couleurs, la fidélité du costume
le coloris. Un homme qui veut s’appliquer sérieusement à la danse doit posséder la fable,
l’histoire et les poèmes de l’Antiquité. Comme son art n’emprunte ses charmes que de
l’imitation, embellie d’un caractère choisi, il faut qu’il étudie les ouvrages où il peut
trouver des modèles de cette imitation. Une teinture de géométrie lui sera utile, elle lui
apprendra à mettre de la justesse dans les combinaisons et de la précision dans les
formes. Le dessin est encore une partie qu’il ne doit pas négliger ; s’il l’ignore il
commettra des fautes grossières dans la composition ; les têtes ne sont plus placées
agréablement et contrastent mal avec les effacements du corps ; les bras ne seront plus
dans des situations aisées, tout sera lourd et privé d’ensemble et d’harmonie. Il est
encore plus nécessaire que le maître de ballet connaisse la musique ; elle doit être en
quelque sorte la régulatrice de tous les mouvements du danseur, qui ne saisira jamais
l’esprit ni le caractère de son rôle, s’il n’asservit pas fidèlement et avec une précision
sévère sa pantomime aux impulsions que la mélodie vocale ou instrumentale doit lui
communiquer.</p>
<p>Muni de toutes ces connaissances, l’artiste peut se livrer hardiment à l’effort de son
génie ; mais qu’il s’attache surtout à faire un beau choix. Ce ne sera point dans les
tavernes qu’il ira prendre ses modèles. Les sujets ignobles ne prêteront point à ses
talents ; il n’y trouverait qu’une nature avilie qui flétrirait son imagination. Il doit
se souvenir qu’il est peintre, et ne chercher dans les objets qui l’environnent que des
objets dignes d’occuper ses pinceaux.</p>
<p>Ici je m’arrête ; je sens que si je me laissais entraîner par mon sujet, il me faudrait
entrer dans des développements qui me mèneraient beaucoup trop loin. Avant de finir
cependant, je dirai encore un mot de la <hi rend="i">Chorégraphie</hi> ; c’est l’art de
décrire la danse : Thoinet Arbeau, chanoine de Langres, est le premier qui l’imagina vers
la fin du seizième siècle ; Beauchamps donna dans la suite une forme nouvelle à la
chorégraphie, il exprima les pas par des signes auxquels il attacha des significations
différentes. Feuillet a travaillé dans la suite sur le même plan. Cet art que les anciens
ont peut-être ignoré était autrefois fort simple ainsi que la danse ; mais de nos jours,
les pas sont compliqués, doubles, triples même ; leur mélange, leur combinaison est
immense et presque incalculable ; il est donc difficile de les écrire et plus encore de
les déchiffrer. Cet art est d’ailleurs fort imparfait, il n’indique exactement que
l’action des pieds, et s’il désigne les mouvements des bras, il n’exprime ni les
positions, ni les contours qu’ils doivent avoir.</p>
<p>Je finis en rappelant à mes lecteurs que je me suis déterminé à publier ce petit traité
que pour répondre à l’empressement de quelques personnes qui ont désiré d’avoir par écrit
les principes d’un exercice qu’ils ne connaissaient que par la pratique. Me rendre utile
et agréable a été mon but. Si je ne puis réunir ces deux avantages, le premier me
satisfera toujours beaucoup, parce qu’il me donnera lieu de prouver mon zèle et mon
application à remplir les fonctions de mon état.</p>
<trailer>Fin.</trailer>
</div>
</body>
<back>
<div type="appendix">
<head>Planches</head>
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